Pedro Hurpia. Travail en atelier, 2022. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Pedro Hurpia

Artiste / Été 2022

Texte-témoin

Pedro Hurpia aurait pu être un scientifique, car il est rigoureux et s’intéresse aux mathématiques. La première impression donnée par les dispositifs dans son atelier en est une d’ordre; les objets sont disposés à distance quasi égale, les dessins de paraboles occupent les murs, le noir et blanc domine. Puis, les détails se mettent à apparaître, des fragments de nature dans des contextes instables : cailloux omniprésents, planchettes dont la courbure est maintenue par lesdits cailloux, stabilité incertaine de certaines mises en place.

L’artiste raconte le déclencheur de toute sa recherche à Est-Nord-Est : l’image d’un écrasement d’avion en 2019, à proximité de Saint-Jean-Port-Joli. L’avion a décollé, puis a entamé une descente à la courbe parabolique imparfaite avant de s’abîmer dans la forêt, provoquant la mort du pilote. L’entropie s’est introduite dans le processus. C’est à partir de ce postulat que l’artiste a cherché différentes itérations de la parabole dans la nature, les a photographiées et retravaillées avec un logiciel. Il a ensuite réalisé un court film à partir de ces images et de scènes naturelles.

Il s’agit finalement de narrer l’histoire du temps long géologique, couplé au temps court de l’écrasement. De la rencontre inattendue des deux périodisations naissent des narrations improbables, celle d’une formation rocheuse qui dialogue avec une parabole, de l’intersection entre l’imperfection humaine et la régularité naturelle. L’entremêlement de la stabilité naturelle et des courbes régulières qu’elle produit, joint à l’imprévisibilité humaine, produisent des installations détaillées.

Voir derrière les apparences, c’est la tâche que s’est donnée l’artiste. Sans doute parce que selon lui, « l’effondrement est imminent », il faut cerner les forces à l’œuvre dans la nature. Derrière l’ordre apparent se trouvent les manifestations de l’entropie, désorganisant et réorganisant le monde. Il faut peut-être aussi révéler les forces se situant entre science et croyances, celles qui sont agissantes mais que la science refuse de reconnaître. Lors d’une précédente résidence en Finlande, Pedro avait travaillé sur les sourciers, dont plusieurs gagnent leur vie en découvrant des sources aquifères aux quatre coins du globe. Certaines forces cachées nous lient au monde naturel, nous dit l’artiste.

Biographie

L’artiste Pedro Hurpia explore les notions de déplacement et d’effondrement, non seulement de façon géographique, mais également au niveau de la dissonance cognitive (stress psychologique) lorsqu’un individu ou un groupe est capable de neutraliser le niveau de logique même le plus élémentaire. Par exemple, en niant les preuves, en créant de faux souvenirs, en distordant les perceptions, en ignorant les affirmations scientifiques ou en déclenchant une perte de contact avec la réalité. Il fait l’utilisation de stratégies fictionnelles en inventant des récits et en recréant divers dispositifs existants afin de « comprendre » ce phénomène naturel et les anomalies géophysiques qui ne sont perçues par l’humain que lorsqu’il remonte à la surface ou lorsque le corps est directement touché.