Élise Provencher. Expérimentations en atelier, 2022. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Élise Provencher

Artiste / Été 2022

Texte-témoin

L’agentivité est une notion essentielle pour Élise Provencher, particulièrement celle de ses œuvres. Cela signifie que les objets ont une force qui va au-delà du quotidien et de l’habituelle réalité : ils font le pont entre ce que l’on comprend et ce qui nous dépasse. En ce sens, ils favorisent l’introspection pour nous faire réfléchir aux problèmes qui nous préoccupent, individuellement autant que collectivement, et participent à une forme de transcendance – l’artiste a étudié les arts premiers, ceux des Mayas ainsi que des autochtones, et elle en a tiré des leçons.

Les personnages expressionnistes qu’elle modèle se trouvent dans des poses incongrues. Attirée par le grotesque et les films d’horreur, Élise veut pousser la forme pour provoquer l’émotion, allier la force et la vulnérabilité, et aussi susciter le malaise. Le but de la résidence était d’explorer la scénographie de ses objets, leur mise en contexte. L’artiste a cherché à aller vers le narratif, à réunir les œuvres pour qu’elles entament un dialogue entre elles et la personne qui regarde. Le bois, l’argile, le plâtre et la styromousse ont été ses matériaux de prédilection.

Les cabourons du Kamouraska l’ont inspirée pour créer des formes de rochers et de collines, qu’elle a travaillés en deux dimensions pour créer un fond mettant les sculptures en évidence. Le passage de la bidimensionnalité à la tridimensionnalité présente un réel intérêt plastique pour l’artiste. Lors des portes ouvertes, son processus de création se décodait aisément : des images tirées de livres et de revues étaient épinglées au mur, choisies pour les poses qu’elles illustrent et retravaillées pour les accentuer. On pouvait aisément les associer aux sculptures déjà réalisées et en percevoir les transformations.

La contextualisation de la sculpture a un but, la théâtralité, où les jeux d’échelle et de perspective viennent renforcer la narration, à l’instar des stratégies propres aux scènes de genre de la peinture. Finalement, on sent que l’artiste puise dans les mythologies pour créer la sienne, basée sur sa réalité tout en la transcendant.

Biographie

Je façonne dans l’argile des personnages qui m’intéressent pour leur pouvoir d’incarnation. Le vocabulaire matériel est expressionniste, brut mais doux, empreint d’une ambiguïté qui représente à la fois les plaisirs (humour, éros) et les difficultés (doute, peur) d’être éprouvés par l’humain. J’explore les potentialités transformatrices des matériaux et l’agentivité des objets. Par la force des récits, mes objets sollicitent de nouvelles possibilités narratives pour forger des identités individuelles et sociales. En ce sens, l’agentivité de l’objet se situe dans une esthétique du mouvement, entre les genres et les symboles, qui me permet de jouer avec les cadres habituels (de la représentation, de la narration) et les frontières binaires (notamment, de la moralité et des rapports de force) et d’espérer regarder au-delà de ceux-ci. Ce jeu sur les limites de la forme et de l’informe, du connu et de l’inconnu, du familier et de l’étrange, constitue le moteur de ma démarche. Je vis et travaille à Montréal.