Vue de l'atelier de François Quévillon
François Quévillon, Vue d'atelier, 2021. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

François Quévillon

Artiste / Été 2021

Texte-témoin

par Marie-Pier Bocquet

Et pourtant, nous avons tous un iPhone dans notre poche…

Dans l’atelier de François Quévillon, de nombreuses œuvres s’activent en même temps. Projections, vidéos et installations en mouvement se côtoient dans une mise en espace qui explore déjà certains procédés de scénographie envisagés pour de futures présentations publiques. Sur trois écrans, une nouvelle œuvre créée à Est-Nord-Est restitue le littoral du fleuve Saint-Laurent grâce à la photogrammétrie aérienne. Dans le contexte de la résidence, le temps long et détaché des contraintes du quotidien a aussi permis à l’artiste de revisiter des œuvres antérieures, la plupart réalisées à partir de matériel colligé dans les régions du Saguenay et de l’Abitibi.

Depuis plusieurs années, François Quévillon s’intéresse à la représentation numérique de notre monde par l’entremise de la collecte et de l’analyse de données qui témoignent des changements (voire de l’altération) de l’environnement par l’activité humaine. Adoptant une posture critique, mais détachée de militantisme, il explore les contradictions de notre mode de vie qui bénéficie d’avancées technologiques développées par des industries qui perturbent les écosystèmes. Discrète dans la pièce remplie d’œuvres plus spectaculaires, une petite installation en témoigne : un iPhone branché au mur est posé au sol à côté d’une bouteille d’eau d’une marque québécoise, dont la source près de Saint-Mathieu-d’Harricana en Abitibi est menacée par les activités minières. Double paradoxe, celui de l’eau embouteillée d’abord, pur symbole du capitalisme et du détournement de nos ressources collectives par l’entreprise privée, mais aussi celui des matériaux des piles de nos appareils mobiles, dont nous préférons ignorer la provenance et les désastres écologiques qu’ils provoquent.

Les œuvres de François Quévillon mettent aussi à profit l’esthétique de la surveillance ou du monitoring dans une vidéo qui utilise la modélisation et le travail de l’intelligence artificielle pour imaginer les effets de l’agrandissement prévu d’un site de résidus de bauxite au Saguenay, minerai entrant dans la composition de l’aluminium. Si les images sont tirées de véritables données satellites, les projections qui en découlent montrent un développement hypothétique, potentiellement chaotique, signe d’un futur incertain. En usant de technologies de pointe tout en détournant l’exactitude de leurs informations et en embrassant leur capacité à générer de toutes pièces des données, le travail de François Quévillon met en doute l’apparence d’objectivité qu’elles sous-tendent, au profit d’un scepticisme bienvenu.

Biographie

La pratique interdisciplinaire de François Quévillon s’intéresse aux interactions de problématiques environnementales, sociétales et technologiques. Ses dispositifs explorent les phénomènes du monde et de la perception par la mise en œuvre de processus sensibles aux conditions variables de l’environnement et à l’interférence humaine. Il travaille régulièrement dans le cadre de résidences et au sein de groupes de recherche. Ses réalisations ont été présentées internationalement depuis une vingtaine d’années, notamment lors de trois expositions individuelles en 2019 : Manœuvrer l’incontrôlable chez Expression (Saint-Hyacinthe), Conduite algorithmique au MA, musée d’art de Rouyn-Noranda et Gravity au Centro de Cultura Digital (Mexico).