Vue de l'atelier de Caroline Mauxion
Caroline Mauxion, Vue d'atelier, 2021. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Caroline Mauxion

Artiste / Printemps 2021

Texte-témoin

par Amélie Giguère

Caroline Mauxion compose des images et réfléchit à l’existence matérielle de celles-ci, en réalisant notamment des impressions sur papier, sur verre ou sur plâtre. Dans ses photographies récentes, elle y installe le corps intime, visiblement aimé, dans des plans rapprochés, fractionnés et superposés, voilant et dévoilant la partie d’une main, d’un sein, d’une hanche. Nourrie par de nouvelles lectures, elle transpose ses recherches dans l’espace et explore les possibilités de la sculpture.

C’est d’ailleurs le défi qu’elle s’est lancé pour cette résidence de printemps à Est-Nord-Est : déposer la caméra. Elle a bien apporté quelques grandes et moyennes photographies qu’elle a épinglées sur les murs de l’atelier, pour démarrer la conversation. Mais l’idée était de délaisser les sentiers foulés. Le pari calculé du petit vertige, du léger inconfort.

D’abord, travailler le plâtre, le couler dans des feuilles de plastique chauffées par endroits, ou encore dans des ballons pressés doucement des doigts. Les masses cylindriques, rectangulaires et surtout, la série de boules irrégulières qui en émergent, colorées dans des roses, des beiges et des bleus très pâles, ont des qualités esthétiques indéniables. Puis, apprivoiser le métal, beaucoup moins facile d’approche. Aidée du technicien, l’artiste a coupé et plié des tiges de manière à supporter et prolonger les plâtres.

Dans l’atelier, le travail consistera donc à opérer cette rencontre entre les formes organiques, soyeuses et sensuelles des éléments de plâtre et les fines pièces métalliques. L’artiste joue avec les masses et les lignes, cherche l’équilibre précaire et la frontière entre la composition abstraite et l’évocation de figures, comme celle du corps en pièces détachées qui revient ici, encore. Puisant dans ses expériences personnelles, en écho à ses photographies, ainsi qu’aux mots, images et sensations suggérés par le Corps lesbien de Monique Wittig qui l’accompagne dans cette résidence, Caroline Mauxion poursuit une réflexion de plus en plus assumée sur le corps et son rapport au monde et à la vie.

Biographie

Voir autrement que par les yeux, voir avec le corps. C’est ainsi que Caroline Mauxion aborde son travail, dans une pratique élargie de la photographie. L’artiste cherche à créer une relation incarnée avec l’image en s’appuyant sur la phénoménologie féministe. L’expérience de son corps vécu ainsi que des œuvres littéraires sont parties prenantes dans l’élaboration de ses pièces.

Le verre, le plâtre ou le papier soluble sont utilisés pour faire et défaire le corps des photographies qu’elle découpe, imbibe, assemble et place. Elle explore notamment le potentiel sculptural et l’altération de l’image photographique par une technique artisanale de transfert sur plâtre. L’expérience sensible et physique de ses images se déploie dans une pratique du moulage, de l’installation et de la vidéo.

Caroline Mauxion est diplômée en photographie de l’École de l’image Gobelins (France) et détient une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Lauréate en 2015 du Prix Sylvie et Simon Blais pour la relève, elle compte plusieurs expositions individuelles à son actif au Québec (Galerie B-312, Galerie Simon Blais, Optica, centre d’art contemporain, Galerie de l’UQAM, Caravansérail, Les Territoires). Elle a participé à une résidence de création au Centre des arts de Banff avec le soutien du CALQ et une de ses vidéos a été projetée au salon Jeune Création 2020 en France. On retrouve de ses œuvres dans la collection Prêt d’œuvres d’art du Musée national des beaux-arts du Québec ainsi que dans la collection de la Ville de Laval.