Travail mené en atelier par Jean-Michel Leclerc en résidence
Jean-Michel Leclerc, Travail en atelier, 2019. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Jean-Michel Leclerc

Artiste / Automne 2019

Texte-témoin

Intéressé par ce qu’il nomme « l’infra-ordinaire », l’artiste canadien Jean-Michel Leclerc conjugue recherche documentaire, dessin, art imprimé et sculpture afin de mettre en relief la présence et la matérialité de la mémoire et du temps qui passe. Teintée des différentes fonctionnalités que peut receler un objet à travers les époques, sa pratique fait de ces petites choses qui habitent le quotidien la prémisse de récits ouverts à l’interprétation. Fidèle aux techniques et aux matériaux d’origine, Leclerc recrée de toutes pièces les artefacts de l’ordinaire, injectant par cet acte de réification matérielle de nouvelles couches mémorielles à l’objet. Empruntant à l’historien ou à l’archiviste leur méthodologie de recherche méticuleuse et au faussaire sa dextérité et sa capacité de falsifier le réel, l’artiste met en dialogue véracité historique et fabrication d’archives pour pointer l’inquiétante étrangeté qui peut en émerger.

Dans le cadre de sa résidence à Est-Nord-Est, Leclerc s’est justement penché sur cette tension entre authenticité et simulacre, la mémoire prenant souvent forme dans l’interstice qui les sépare. Dans ces décalages et ces transferts réside d’ailleurs le potentiel narratif des objets ou des images, lesquels deviennent véritablement des socles où se déposent des mémoires et des résidus de culture. La mise en récit du quotidien par la réplique ou la reproduction de ses artefacts ne cherche toutefois pas à cerner une mémoire collective immanente ou à faire ressurgir un passé révolu et idyllique, mais à court-circuiter la prétention de probité souvent liée au devoir de mémoire. Intrinsèquement plurielle, subjective et arbitraire, l’histoire n’est jamais transparente et univoque, résultant bien souvent de la sédimentation successive de récits multiples. Il ne s’agit pas non plus de fictions historiques, chroniques fantasmées d’époques révolues, mais plutôt de passerelles sensibles et sensées entre les diverses expériences du temps et leur réappropriation contemporaine, inévitablement décalée.

Contractions de récits, de temporalités et de techniques, les images résiduelles laissées par le travail presque monastique de Jean-Michel Leclerc deviennent en quelque sorte des archives d’elles-mêmes, dans la mesure où elles deviennent les témoins privilégiés de cette « manufacture de la mémoire ».

Biographie

Jean-Michel Leclerc cherche tout d’abord à comprendre comment un objet, un support simple, peut être investi d’une présence, la contenir autant au sens propre que figuré. Son travail propose un espace d’exploration et de mise en forme de la mémoire et de l’invisible à travers la sculpture, le dessin et l’art imprimé. Évènements divers et fragments d’archives agissent ici comme autant de pistes effacées et latentes portant en elles la possibilité de se manifester à nouveau par l’entremise d’oeuvres et de projets de recherches afin de proposer une autre vision de l’histoire et du passage du temps. Lauréat du Prix Simon et Sylvie Blais (2017) ainsi que du prix Albert-Dumouchel et du concours BMO 1ères oeuvres! pour le Québec (2012), ses oeuvres se retrouvent dans plusieurs collections particulières et d’entreprises au Canada et en Europe, notamment la Collection d’oeuvres d’art BMO. Il est aussi détenteur d’une maitrise de l’Université Concordia (2018).