Il y a quatre ou cinq ans, Lina Choi a acheté une enregistreuse audio. À la question « qu’est-ce que je pourrais enregistrer ? », elle a eu cette réponse : le bruit de l’eau. Ayant grandi au bord d’une rivière en Corée, l’eau représente à ses yeux un élément à la fois attirant et effrayant. Armée de son enregistreuse, elle en a fait l’objet principal d’une démarche aujourd’hui située au croisement du son, de l’installation et de la performance, cette dernière constituant pour l’artiste une précieuse occasion de communiquer directement avec le public.
Sans surprise, son séjour à Est-Nord-Est lui a offert la possibilité de côtoyer les eaux changeantes du fleuve, dont elle visitait chaque jour les rivages. Elle en enregistrait les sons, en photographiait les surfaces et en filmait les mouvements. Les marées, dit-elle, ne sont jamais les mêmes : elles peuvent être boueuses ou claires, basses ou hautes, agitées ou calmes, éclairées par un ciel qui lui aussi change sans cesse. Dans leur puissance, les eaux du fleuve lui procuraient le sentiment d’être submergée – un sentiment qu’elle a aussi ressenti certaines nuits au son de la pluie battant la lucarne au-dessus de son studio. Choi souligne que, contrairement à d’autres espaces de résidence, les installations d’ENE sont exposées à l’environnement naturel, à proximité du fleuve Saint-Laurent, leurs larges fenêtres donnant sur un sous-bois.
C’est d’ailleurs le son de la pluie, qu’elle décrit comme enveloppant et surréel, qui lui a inspiré l’hypnotique performance sonore qu’elle a présentée à la fin de la résidence. On y retrouve Choi assise sur le plancher de son studio, entourée d’une panoplie d’instruments mêlant objets du quotidien, ordinateur portable et micros de toutes sortes, avec en arrière-plan une vidéo montrant des images du fleuve. Dans un circuit où se côtoient bols, plaque de cuisson, arrosoir et aquarium, l’artiste déverse ou agite l’eau qui crée les sons qu’elle manipule ensuite pour produire une musique apaisante comme la pluie ou le son d’un ruisseau.