Si elle se consacre à la peinture, Stéphanie Auger laisse à d’autres les questions de représentation et d’image. Au cœur de ses préoccupations, il y a plutôt la peinture en tant que plan coloré qui structure l’espace, et en tant que matériau qui rassemble, presque magiquement, des composés divers aux possibilités chromatiques infinies. L’artiste aime fabriquer elle-même ses pigments, gouaches et aquarelles pour des raisons esthétiques, écologiques, voire philosophiques. Ce qu’elle apprécie, entre autres, est la liste courte des ingrédients qui composent ses préparations, les limites de leur adhérence sur le support et leur appartenance à une histoire longue de la fabrication des couleurs.
La résidence à Est-Nord-Est s’est présentée comme l’occasion rêvée de reprendre ses recherches sur l’élaboration des peintures, car le processus demande du temps et un espace adapté. L’artiste est donc débarquée avec tout son attirail : molette en verre, bocaux de gomme arabique et de miel et collection de roches, de poudres et de plantes séchées. Au myrique baumier cueilli à Saguenay se sont ajoutés un caillou d’oxyde de fer et un joli pigment jaune, provenant respectivement de la grève de Saint-Jean-Port-Joli et de l’armoire personnelle de Pierre Bourgault. Pendant plusieurs jours, elle a testé ses recettes, noté les temps de broyage, produit des nuanciers et tenté quelques esquisses. Sur les grands papiers japonais qu’elle affectionne, elle a appliqué les couleurs : des verts, bleus, ocres et rouilles aux textures qui varient selon le geste de l’application ou la quantité de résidus dans les mélanges.
Contrairement à ses derniers travaux, l’installation des papiers dans l’espace s’est faite plus modestement. Elle a choisi d’explorer des formats moyens ou petits et des stratégies d’accrochage qui épousent les murs. Au terme des deux mois de résidence, on pouvait donc trouver dans son atelier, autour de son cabinet, ses papiers découpés dans des formes arrondies, parfois superposés, collés, fixés par des œillets ou suspendus par des cordes. Un instantané d’un travail en cours porté par une fascination pour la matière et ses qualités expressives.
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