Jean-Michel Leclerc

2019
Éditeur : Est-Nord-Est, résidence d'artistes
Année : 2019
Pages : n.p.
Langue : Français / Anglais
Auteur·e : Anne-Marie Dubois

Artiste et auteur·e

Jean-Michel Leclerc

Intéressé par ce qu’il nomme « l’infra-ordinaire », l’artiste canadien Jean-Michel Leclerc conjugue recherche documentaire, dessin, art imprimé et sculpture afin de mettre en relief la présence et la matérialité de la mémoire et du temps qui passe. Teintée des différentes fonctionnalités que peut receler un objet à travers les époques, sa pratique fait de ces petites choses qui habitent le quotidien la prémisse de récits ouverts à l’interprétation. Fidèle aux techniques et aux matériaux d’origine, Leclerc recrée de toutes pièces les artefacts de l’ordinaire, injectant par cet acte de réification matérielle de nouvelles couches mémorielles à l’objet. Empruntant à l’historien ou à l’archiviste leur méthodologie de recherche méticuleuse et au faussaire sa dextérité et sa capacité de falsifier le réel, l’artiste met en dialogue véracité historique et fabrication d’archives pour pointer l’inquiétante étrangeté qui peut en émerger.

Dans le cadre de sa résidence à Est-Nord-Est, Leclerc s’est justement penché sur cette tension entre authenticité et simulacre, la mémoire prenant souvent forme dans l’interstice qui les sépare. Dans ces décalages et ces transferts réside d’ailleurs le potentiel narratif des objets ou des images, lesquels deviennent véritablement des socles où se déposent des mémoires et des résidus de culture. La mise en récit du quotidien par la réplique ou la reproduction de ses artefacts ne cherche toutefois pas à cerner une mémoire collective immanente ou à faire ressurgir un passé révolu et idyllique, mais à court-circuiter la prétention de probité souvent liée au devoir de mémoire. Intrinsèquement plurielle, subjective et arbitraire, l’histoire n’est jamais transparente et univoque, résultant bien souvent de la sédimentation successive de récits multiples. Il ne s’agit pas non plus de fictions historiques, chroniques fantasmées d’époques révolues, mais plutôt de passerelles sensibles et sensées entre les diverses expériences du temps et leur réappropriation contemporaine, inévitablement décalée.

Contractions de récits, de temporalités et de techniques, les images résiduelles laissées par le travail presque monastique de Jean-Michel Leclerc deviennent en quelque sorte des archives d’elles-mêmes, dans la mesure où elles deviennent les témoins privilégiés de cette « manufacture de la mémoire ».