Par une production qui convoque le dessin, la performance, la photographie, l’installation et l’écriture, Ana Mendes met en relation le langage avec la construction, la visibilité et la trace de l’identité. Dans sa pratique, le langage apparaît non seulement comme un moyen de communiquer, mais aussi comme une façon de se situer spatialement et idéologiquement. Il est à la fois concret et fugace, comme le sont les frontières, tantôt physiques, tantôt invisibles, mais souvent tenaces.
Dans ses œuvres, l’artiste lie ces enjeux identitaires avec le contexte politique et social actuel, s’inscrivant dans un discours post-colonialiste engagé. Cette posture s’observe notamment dans des projets comme Map Series, qui s’amorce par une performance au cours de laquelle l’artiste utilise une machine à coudre pour dessiner, en quelque sorte, de nouvelles frontières sur d’anciennes cartes de colonies. Le geste qui semble d’abord planifié trace des lignes de plus en plus erratiques, à l’image de la violence historique du découpage du territoire.
Lors de sa résidence à Est-Nord-Est, elle s’est notamment plongée dans le projet Kinky, une série de tissus brodés dont la simplicité apparente recèle une violente charge politique et sociologique. Sur un textile de coton brut utilisé par l’industrie de la mode pour fabriquer des échantillons, Ana Mendes s’est affairée à broder des points avec, comme fil, des cheveux extraits de perruques. Les vocables brodés sur chaque pièce proviennent de formulations utilisées pour vendre les prothèses ou extensions capillaires faites de cheveux humains naturels. Virgin, kinky, Charme : des qualificatifs emblématiques de la marchandisation d’une identité féminine exotisée que l’artiste reprend pour créer des portraits à la poésie grinçante. Cette activité commune, la broderie, devient un acte intime, une manière d’entrer en communion avec la femme derrière le fil ; broder pour réunir et laisser une marque, comme une cicatrice sur la peau.
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