Dans cet esprit, la démarche de Moore à Est-Nord-Est s’ancre dans des routines qu’elle s’impose pour faciliter l’adaptation de son animal de compagnie à ce nouvel environnement. Une large part des matériaux qu’elle utilise ont été ramassés lors de promenades avec son chien. Elle récolte ainsi des miettes de peinture réfléchissante, les restes de l’auvent d’un édifice abandonné, du papier d’isolation d’un site de démolition et de minuscules détritus de plastique. L’artiste s’intéresse à ces « matières ultimes », impossibles à traiter, mais toujours polluantes, voire toxiques, qu’elle amalgame à ses propres déchets domestiques ou d’atelier : tamis brisé et bouts de carton, cannettes de bière vides, mégots de cigarettes. Sa démarche ne se résume toutefois pas à une pratique de « surcyclage » assez courante aujourd’hui. Ces détritus demeurent ici ce qu’ils sont : des rebuts qui encombrent le quotidien. Elle pose ainsi un regard transversal sur nos habitudes de consommation et notre milieu de vie immédiat.
Explorant cette même proximité, l’artiste se prête aussi à une expérience quasi scientifique sur l’effet du gel antiseptique sur le papier thermosensible des coupons de caisse. Le contact du bisphénol A, l’agent réactif de ces papiers, avec le désinfectant augmente son absorption par l’organisme. Perturbateur endocrinien, le bisphénol A présente un risque pour l’humain. Sur sa table d’atelier, Moore présente des coupons de caisse maculés qu’elle a accumulés durant la pandémie. Leur caractère familier et le geste répété de nettoyage des mains nous frappent. Ils nous alertent sur le caractère récurrent de nos contacts étroits avec les matières de synthèse et sur la porosité de notre corps à celles-ci. Tout comme son travail à partir de résidus, ce geste artistique de Moore vise à nous sensibiliser à l’accumulation discrète de matières résiduelles dans notre quotidien et met en avant les modes de consommation et de production en cause dans leur utilisation croissante.
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