Présentée en galerie comme dans l’espace public, la pratique sculpturale et d’installation de Sarah Thibault propose une fine analyse du pouvoir résiduel de l’ornemental dans la culture actuelle. Emprunté au vocabulaire des arts décoratifs et réintégré dans ses projets, l’ornement est à la fois un opérateur conceptuel, critique et formel chez Thibault. Il vient certainement influencer le choix de matières pour la fabrication des œuvres et de leurs dispositifs de présentation. En effet, la dorure, le bois, les tissus offrent un contraste à d’autres matériaux considérés comme plus pauvres, tels le pain et la paille, qui sont également utilisés par l’artiste. Cet engagement matériel, en même temps qu’il magnifie le pouvoir de l’ornement, pointe vers la persistance de valeurs bourgeoises et patriarcales qui sont inscrites au sein même de la conception et de la production des objets que l’on consomme, et indique le rôle direct que joue le design dans la circulation et le renforcement de ces valeurs.
Lors de sa résidence à Est-Nord-Est, Thibault a utilisé comme point de départ de sa recherche une photographie de plantes plutôt banales, trouvées à proximité de son atelier au centre. La photographie initiale a été transformée en un motif kaléidoscopique par une succession d’effets de symétrie, puis imprimée sur de longs pans de toile tendue autour de cinq cadres. Fabriqués dans l’atelier de bois du centre, les cadres ont été ornementés de moulures puis joints pour former un paravent.
Lors de la présentation publique qui marquait la fin de la résidence, la pièce de Thibault séparait l’espace de l’atelier de la grande fenêtre, bloquant ainsi la vue extérieure du regard du public. Elle en devient ainsi une forme paradoxale, qui a pour fonction de cacher un point de vue tout en étant, par son motif, hyper-visible.