Qu’est-ce que cela aurait changé, si l’on avait considéré que le premier outil n’était pas une pierre effilée pour trancher, mais plutôt un panier, pour recueillir des choses?
Dans l’atelier, un bruit d’eau qui goutte, le frémissement d’un papier ou d’un tissu léger qui ondule un peu dans l’air et les pas de Maude Arès qui passe d’une installation à l’autre rompent le silence. Elle porte dans ses mains un bol d’eau qu’elle verse ici et là, dans des bassins et des paniers suspendus autour desquels tanguent des objets ficelés, reliés les uns aux autres.
Ceux-ci sont petits et étranges, le plus souvent issus de la faune, de la flore ou du monde minéral. Certains sont fragiles ou légers comme une plume, une aile de papillon, d’autres apparaissent comme des déchets ou des débris, sont sales, rapiécés. D’autres encore coulent dans les flaques d’eau, se décomposent comme des pelures de fruit ou des morceaux de mousse. Pourtant, quand l’artiste s’accroupit pour les montrer, les prendre entre ses doigts, ils deviennent uniques, spéciaux, importants. C’est dans des malles compartimentées qu’elle les range, les ordonne, les conserve. Chacun trouve sa place au sein de cette collection qui constitue le matériau premier de l’œuvre, sans cesse bonifiée par de nouvelles trouvailles, mais aussi réactualisée dans les présentations du travail de l’artiste.
Toutes ces choses sont placées en tension dans des installations où la gravité, le vent, le mouvement de l’eau, le passage des visiteurs et les interventions directes activent, dérangent, défont et refont de nouvelles itérations. Même lorsque tout est immobile, on sent comme une force créatrice émaner des choses mêmes, qui paraissent avoir une vie propre. Peut-être cela a-t-il à voir avec leur histoire, perceptible dans les bris, les manques et les usures, qui laissent imaginer aussi bien leurs usages antérieurs que leurs possibles devenirs. Peut-être cela tient-il aussi du rapport étroit avec le corps de l’artiste qui interagit avec ces objets, jour après jour, suivant les essais et les erreurs, les rencontres formelles entre les matières et les transformations dictées par l’équilibre intrinsèque des compositions. Les matériaux choisis par Maude Arès sont vivants : ils nous incitent à porter un regard bienveillant sur ce qui paraît banal et, comme l’artiste collectionneuse, sur ce que l’on choisit de garder et de valoriser.
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