Artiste à la pratique hybride, Maryse Goudreau mène depuis une dizaine d’années une recherche patiente et minutieuse autour du béluga, avec la conviction que nos rapports à la petite baleine blanche et les représentations que nous nous en faisons en disent autant sur nous-mêmes que sur l’animal. L’intérêt de Goudreau pour le béluga l’a amenée, plus récemment, à développer une recherche sœur sur le phoque, qui occupe le cœur de sa recherche à Est-Nord-Est. Au centre, elle a repris un projet sculptural de civière à baleine – un objet qui évoque à la fois l’échouage et le sauvetage – dont le hamac (la partie suspendue) est constitué de peaux de phoques. La civière devient ainsi, dit-elle, l’occasion d’une cohabitation écosystémique où un animal (mort) prend soin d’un autre animal (blessé). Dans le cadre de sa résidence, Goudreau a adjoint à la civière une grue de bois, en vue d’une exposition à la Biosphère.
Par un de ces effets du hasard qui surviennent si souvent dans le travail des artistes, son séjour sur la rive du Saint-Laurent fut l’occasion de s’intéresser aux bélugas de… la Baie d’Hudson. Inspirée par la tradition du travail sur bois de Saint-Jean-Port-Joli et profitant de l’accès aux ateliers d’ENE, Goudreau a pu œuvrer sur trois autres objets sculpturaux. S’inspirant des bateaux de chasse et d’observation de la Baie d’Hudson, le premier prend la forme d’un canot orné de deux moteurs en bois opposés l’un à l’autre, et qui dès lors ne peut aller nulle part. Le second consiste en une centaine de billes de bois tourné évoquant des bouées, destinées à tracer le périmètre d’une installation faite de peaux de phoques. Le dernier objet est un manteau de fourrure trouvé – un objet qui n’a pas encore trouvé sa place dans l’œuvre de l’artiste –, suspendu à un cintre, évoquant la chasse aux bélugas qui, dans les années 1960 et dans la Baie d’Hudson, alimentait les fermes de vison du Manitoba. Autant d’objets épars qui s’ajoutent à une archive proliférante et riche d’enseignement sur une baleine à l’existence en sursis et sur les humains qui ont provoqué son dépérissement.