Matérialiser la mémoire et l’expérience humaine pour donner corps à l’intimité est au centre de ce qui occupe Marc-Olivier Hamelin. À son arrivée à Est-Nord-Est, la poursuite d’un projet autour de la crise du sida nord-américaine de la fin du XXe siècle et de ses retombées encore actuelles dans les communautés gaies et LGBTQ+ figurait dans les projections de l’artiste. Plutôt, à l’aube de l’été, l’espace de son atelier s’avère tapissé de fragments photographiques captant l’essence de ses pèlerinages en nature et de ses cent pas dans le studio qui lui est imparti.
Des images se croisent afin de parler d’une commune voix de fragilité et de manque, dressant un récit du quotidien qui aborde l’existence avec humilité. Tranquillement, des matériaux viennent morceler la lecture de toutes ces photographies laissées au hasard dans le lieu : l’esthétique non hiérarchique privilégiée par l’artiste donne tout à voir, sans chronologie ni volonté de prescrire à ces fragments une narration monolithique. Ainsi, des livres s’empilent, une table lumineuse et des plexiglass valsent avec les ombres projetées, des miroirs dupliquent ce qui se joue dans le lieu. L’artiste les laisse respirer et revendiquer l’espace, puis permet au public et aux autres résident·e·s de les manipuler, leurs interventions conférant une nouvelle couche de sens à ces items.
Des associations formelles et théoriques font surface, disparaissent et rejaillissent. Elles évoquent la manière dont les souvenirs se créent et dont ils sont racontés. Tour à tour, elles reconstituent des réalités ondulantes, observent des reflets, évoquent des déchirements. Tour à tour, elles exhibent la permission que s’est donnée l’artiste d’engendrer la non-fixité et le déplacement, par un enchevêtrement d’éléments qui laisse place à une nouvelle trame dans l’espace. Rassemblée, sa collection d’objets devient alors une forme d’archive de la vie, comme une écriture automatique qui viendrait coller ensemble les codes de la performance, de l’installation et de la littérature.
Motivé par une sorte d’accumulation anxieuse, Hamelin offre un regard sur les artefacts que nous laissons au gré du temps et aborde le souvenir comme un lieu de suspension à incarner : au détriment des mécanismes de protection qui nous habitent, l’artiste privilégie la clarté de la vulnérabilité. Dans l’installation qu’il donne à voir dans son studio à Est-Nord-Est, toujours se fraie, comme une manière de se faire face, ce qui est de l’ordre de l’intériorité. Y résident des silences et une solitude qui amortissent les tentatives de fuite et d’évasion : en se montrant et en s’exposant, l’artiste contextualise finalement des moments quotidiens et revitalise, à sa façon, ce qu’une personne vit et traverse.
Soyez informé·e·s des dernières nouveautés !