Magali Baribeau-Marchand n’est pas arrivée à Est-Nord-Est les mains vides. Cherchant à mettre en place une première phase d’exploration pour sa maîtrise, elle souhaite définir une manière de réenchanter l’infra-ordinaire, et mêle à ses objets glanés sur place ceux recueillis par le passé, qu’elle a transportés avec elle du Saguenay jusqu’à Saint-Jean-Port-Joli. La démarche de Baribeau-Marchand se fait à partir de beaucoup de petits choix, c’est-à-dire avec une attention très grande aux micro-relations entre les choses. Dans cette accumulation réside ce qu’elle nomme la « méthodologie auto-processuelle de la trouvaille ».
L’artiste, qui voyage de résidence en résidence d’un pays à l’autre, noue une relation sensible avec chaque lieu qui l’accueille. L’objet se pose ainsi comme une situation. Il incarne l’offrande et l’hospitalité ; parfois, il s’insère dans une relation de don – à l’autre ou à l’espace public. L’intérêt que Baribeau-Marchand nourrit pour l’objet découle d’un désir de déhiérarchiser les relations entre le vivant et le non-vivant. Influencée par la « vitalité matérielle » (Jane Bennett, Vibrant Matter, Duke University Press, 2010), elle traite la matière comme quelque chose ayant sa propre agentivité, à partir de laquelle elle peut infuser des relations. Elle récupère ainsi des symboles culturels qui pourraient, dans un contexte donné, être porteurs de sens. Par exemple, elle imprime des motifs sur des tuiles canal. La nature du motif a peu d’importance comparativement à sa fonction poétique ; s’apparentant à des nuages et à des taches, il agit comme un voile qui se superpose à l’histoire du matériau – les tuiles étaient jadis courbées sur les cuisses des femmes ouvrières. D’autres éléments sont employés pour leur aspect formel, par exemple, en recevant sur eux l’effet de la lumière. C’est ce qu’explore une vidéo en cours de réalisation intitulée Inventaire aléatoire des choses qui vibrent. L’artiste travaille les cadrages de manière qu’il est impossible d’identifier correctement les objets manipulés. Ce qui compte ici n’est pas l’usage fonctionnel d’un objet, mais le sens ajouté par les manipulations qu’elle en fait.
Pendant ses huit semaines de résidence à Est-Nord-Est, Baribeau-Marchand a approfondi ses actions de trouvaille : rassembler des objets – miroir, coquillages blancs, poutre de bois usée, chaînettes de lampe, voilages, etc. –, puis trouver comment les activer et les assembler pour que leurs formes se répondent. Ne cherchant pas nécessairement à fixer une signification particulière à ses multiples choix, l’artiste saisit plutôt les occasions de rituel dans les situations qu’elle met au monde. Son œuvre est une poésie de l’attention, une manière de magnifier l’ordinaire.