Lucie Rocher

Le travail de Lucie Rocher propose un déploiement de l’image dans l’espace. Jouant constamment des limites et des cadres, l’image y est mise en jeu par l’agencement de divers médiums qui empruntent à la photographie, à la sculpture, à l’architecture et au design. Dans cette œuvre, le chantier est à la fois le sujet d’un corpus photographique et une métaphore du processus de création. Lucie Rocher privilégie l’usage de matériaux trouvés à proximité d’ateliers et de chantiers. Elle utilise des retailles de bois et d’acier qu’elle transforme au moyen de divers procédés. Ainsi, elle met en scène les relations entre la matière et l’image pour montrer les processus qui président à leur création. Lors de sa résidence, l’artiste crée une sculpture à partir d’images de retailles de bois. La numérisation des retailles crée des formes qui mettent l’accent sur la matière. À leur tour, ces images sont transposées sur plusieurs feuilles de Plexiglas rectangulaires qui sont ensuite enchâssées les unes dans les autres pour former une composition sculpturale. Le Plexiglas offre de multiples jeux de transparence : il reflète les arbres qu’on voit par la fenêtre tout en permettant aux différentes images de se superposer. La structure de l’œuvre attire l’attention sur le dispositif visuel lui-même et les manières dont il peut influer sur nos perceptions. Cet agencement est soutenu par trois fines tiges d’acier dont la disposition évoque un déséquilibre, une chute possible. Ainsi, la sculpture met en jeu sa propre fragilité. Cette pièce maîtresse dialogue avec un ensemble d’éléments disposés dans l’espace : photographies de détails de chantiers, croquis et dessins de la sculpture projetés sur un mur, retailles de bois et cadres disposés au sol. L’association de ces éléments documente différentes étapes du processus de création tout en ouvrant un champ poétique singulier. En effet, par son attention aux détails, l’artiste développe une sensibilité qui contraste avec l’imaginaire associé au chantier. Lucie Rocher crée des œuvres contextuelles, c’est-à-dire des œuvres dont la signification et la forme peuvent être adaptées au contexte immédiat. À Est-Nord-Est, les œuvres prennent comme appuis l’espace de l’atelier ; elles jouent avec l’architecture du lieu et ses lignes de construction afin de créer des échos formels. Ainsi, ces pièces sont vouées à être recomposées autrement dans un autre lieu. L’artiste illustre la transformation perpétuelle de la matière. En réutilisant les matériaux résiduels pour leur donner une autre vie, elle transcende leur forme originelle pour exposer leurs métamorphoses possibles.