Comment la recherche peut-elle faire espace et être commissariée ? Cette question accompagne la commissaire, autrice et codirectrice générale de la revue ESPACE art actuel Lisa Tronca tout au long de sa résidence à Est-Nord-Est. Les murs de son studio y sont tapissés de notes, images, citations et concepts reliés par des fils rouges à une installation où des livres, des images, des roches et des plantes sont disposés sur des tables. C’est une véritable incursion dans le processus exploratoire foisonnant sous-jacent à toute écriture. En adoptant une méthodologie ancrée dans l’absorption et l’accumulation d’éléments, l’autrice envisage son temps à Est-Nord-Est comme l’occasion idéale de ralentir et de s’immerger complètement dans la lecture, tout en se mettant au diapason de l’environnement et des sensations qui l’habitent.
L’un des thèmes centraux de ses explorations est à trouver du côté du sentiment de crise généralisée qui paralyse une création autrement débridée. En filigrane d’Une civilisation de feu (2023) de l’essayiste Dalie Giroux, Tronca s’interroge quant aux modalités de créations disponibles dans un monde où les crises et les luttes qui s’amplifient nous immobilisent. Un autre des ancrages thématiques de l’autrice est l’espace liminal qu’est le littoral, ici envisagé comme un point de rencontre entre la terre ferme et la fluidité aqueuse du fleuve. Dans le sillage de Theory of Water (2025) de Leanne Betasamosake Simpson et en suite logique de son dernier projet de commissariat De terre et d’onde/This shore is a body is a world is a house, présenté à la Galerie d’art Stewart Hall, Tronca se penche sur les mémoires et l’agentivité de la matière et les manières qu’a l’art contemporain de les activer et les médier. Ce regard rétrospectif posé sur sa pratique commissariale l’a également amenée à se replonger dans sa récente résidence réalisée grâce à Molior en Europe centrale, où elle s’est intéressée aux répressions politiques grandissantes au sein d’instances culturelles et à la posture de commissariat engagé.
C’est avec aise que Tronca fait se rencontrer et dialoguer ses réflexions autour de la notion de crise, d’espaces liminaux et de commissariat engagé. Inspirée par Convivialities : Dialogues on Poetics (2025) de l’auteur Michael Nardone, où le dialogue émerge de la rencontre entre les processus créatifs, le poétique et le politique, l’autrice met en espace sa recherche à la manière d’une rencontre fructueuse qui, très certainement, nourrira sa pratique multidisciplinaire.