L’artiste Jonathan Mayers n’est pas venu par hasard au Québec : il mène depuis huit ans une recherche sur les origines métissées de la communauté créole de la Louisiane. Après être allé en Acadie, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick pour visiter des sites liés à ses origines culturelles, il poursuit ses recherches au Québec.
Lors de sa résidence, il a créé des œuvres inspirées directement de ses expériences à Saint-Jean-Port-Joli et dans la région de Québec. Ce travail mêle poésie écrite et peinture tout en intégrant différents matériaux tirés de la nature, tels que la boue et le bois – la boue symbolise la fragilité de la situation climatique en Louisiane où les inondations et les séismes naturels demeurent des menaces importantes. Sur des écorces de bois se trouvent de courts poèmes écrits en kouri-vini
[1], une langue créole de la Louisiane que l’artiste cherche à garder vivante au sein même de son œuvre. Ces textes rendent compte d’expériences simples qui ont rythmé sa résidence tout autant qu’ils abordent la fragilité de la langue kouri-vini, actuellement menacée de disparition.
Un autre pan de son travail pictural représente des sites naturels de la Louisiane. Dans ces paysages réalistes, il intègre des bêtes et des monstres inspirés de l’univers des contes. D’énormes vautours sont perchés sur un cyprès, des libellules géantes (appelées « chevaux du diable ») hantent la forêt : ces bêtes imaginaires représentant les forces de la nature sont mises en scène pour dénoncer les désastres écologiques et humains qui guettent la Louisiane. Jonathan Mayers imagine des petits récits qui accompagnent chacune des toiles ; il crée ainsi une mythologie ancrée dans le territoire. Pour désigner ce travail qui mêle art pictural et art du langage, il a inventé le terme
latannyèrizm (« latanièrisme » en français).
[1] Le kouri-vini emprunte au français, mais aussi au wolof, au mandé, à l’éwé et à d’autres langues d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’aux langues indigènes, comme le chacta, des régions du bas Mississippi et du bassin de l’Atchafalaya.