Située à la rencontre de l’art et de l’architecture, la pratique de Roberto Aparicio Ronda et Elise Eeraerts explore des problématiques spatiales par une approche interdisciplinaire. L’histoire des lieux ainsi que leurs caractéristiques matérielles et naturelles sont autant d’éléments qui influencent la réalisation des œuvres. La composition du sol, comme sujet de réflexion et matière à façonner, est l’un des thèmes qui traversent la collaboration des deux artistes. Durant leur séjour à Est-Nord-Est, ils poursuivront d’ailleurs des recherches sur les propriétés constructives d’une substance qui se dépose en quantité sur le territoire québécois en début d’année : la neige.
C’est après avoir assisté à la Fête d’hiver de Saint-Jean-Port-Joli que les artistes imaginent le procédé au cœur de l’intervention qui les occupera pour la plus grande partie de leur résidence. Ayant vu comment les sculpteurs sur neige compressent celle-ci afin de créer les blocs qu’ils taillent ensuite, Aparicio et Eeraerts conçoivent un moule qui leur permet de produire des unités de neige à assembler. La structure qui en naît évoque une tour de forme hexagonale, ouverte sur un côté, où des retraits sont effectués d’un étage à l’autre. Le principe modulaire au fondement de l’œuvre suggère toutefois qu’elle peut se déployer d’une manière potentiellement infinie. Dans la vaste étendue blanche du champ qui l’accueille, elle suscite une impression étrange, comme si elle nous parvenait d’un environnement autre, alors qu’elle émerge directement des contingences de son emplacement.
Au printemps, tout aura disparu. Pour le duo, cette absence de traces est synonyme de respect pour le paysage. Ne subsistera alors qu’une captation vidéo qui témoigne du processus de fabrication et montre la pièce terminée grâce des images filmées tantôt depuis le ciel et tantôt à même le sol. Certains angles de vue, magnifiant la masse de neige et ses reflets bleutés, confèrent à l’œuvre une présence des plus sculpturales, tandis que d’autres perspectives, révélant les vides et les pleins, la font plutôt paraître comme un abri.