Une table jonchée de petites fioles d’encres naturelles, fleurs, herbes, roches, piles de livres, images et photographies nous accueille dans le studio maximaliste de l’artiste multidisciplinaire Annie France Leclerc. Celui-ci déborde généreusement à l’extérieur, où une cuisine d’été est aménagée ; sur des ronds de poêle mijotent des solutions naturelles avec lesquelles elle crée ses photographies. Faisant la part belle à un riche processus d’itération, d’accumulation, de surabondance et d’improvisation, l’artiste profite de sa résidence à Est-Nord-Est pour opérer un retour aux sources tant par la reconstruction du médium photographique que par les thèmes explorés dans sa pratique.
Leclerc se déleste des conventions rigides et des conditions contrôlées de l’acte photographique et embrasse plutôt l’incertitude et l’indétermination propres aux lumens, des images sur papier photographique exposées à la lumière du soleil. Elle les laisse à l’extérieur pour des périodes allant de quelques heures à quelques jours, puis y revient pour y découvrir les résultats. C’est seulement lorsqu’elle est satisfaite de l’exposition qu’elle fixe l’image définitivement. L’idée est de se dégager du contrôle qu’exige le processus photographique et c’est ce qui lui permet ultimement de penser les multiples œuvres qu’elle produit comme des lumens cocréés avec l’environnement, les conditions météorologiques, la lumière naturelle et son fils d’à peine deux ans, Élie. Bien qu’elle tente initialement de garder ses expérimentations artistiques hors de sa portée, c’est après quelques collaborations non anticipées que Leclerc change son fusil d’épaule et accueille plutôt ces interventions intergénérationnelles impromptues. Celles-ci guident l’artiste tant sur le plan formel que conceptuel.
À l’amorce de la résidence, Leclerc était plutôt désireuse de se pencher sur les plantes envahissantes locales, mais, inspirée par les interventions d’Élie, ses lectures et le travail de l’artiste Caroline Boileau, elle se tourne éventuellement vers le thème de la maternité. Profondément touchée par le recueil participatif Artists Raising Kids[1], elle tisse des liens improbables entre l’allaitement, le sein maternel, la dépendance de l’enfant à la mère et la botanique propre au Bas-du-Fleuve. La visite de son studio s’apparente à faire irruption dans un projet de recherche-création en pleine ébullition.
[1] Simonet, Andrew. n.d. Artists Raising Kids: Compendium. Philadelphia: Artists U. https://static1.squarespace.com/static/53767189e4b07d0c6bf4b775/t/5388abffe4b02f7f94909052/1401465855677/Artists+Raising+Kids+Compendium.pdf
Soyez informé·e·s des dernières nouveautés !