Le paysage naturel occupe une place de prédilection dans les dessins d’Andréanne Godin, par un rendu qui lui confère une présence diffuse et sublime, exempte de traits francs. Depuis quelques années, l’artiste a développé une technique avec des poudres de pigments secs qu’elle applique par frottement sur la surface du papier. Forêts, cours d’eau et ciels ombrageux émergent ainsi d’un patient processus d’accumulation des couches de matière. L’atmosphère affective singulière de ces environnements tient également à leur monochromie, qui instaure un décalage dans la représentation.
Pendant sa résidence, Godin s’est éloignée de ses habitudes. Pour réaliser une grande fresque représentant une aurore boréale, ainsi qu’une vue, plus petite, d’une paroi rocheuse, elle utilise deux couleurs primaires : le rouge et le bleu. Ce choix résulte d’une contrainte liée à des expérimentations avec une illumination changeante, perfectionnée en collaboration avec la conceptrice lumière Karine Gauthier lors de son passage d’une semaine à Est-Nord-Est. Selon la teinte des faisceaux, des éléments graphiques apparaissent et disparaissent sur la feuille ou, encore, prennent des airs festifs puis dramatiques en quelques instants. Composés en fonction de la transfiguration produite par les lampes, les deux dessins ne seront donc jamais présentés en lumière naturelle. Ils sont destinés à une exposition au centre d’artistes Oboro, au printemps 2022, où ils côtoieront une installation faite de branches d’arbres phosphorescentes. Du rameau du milieu, entièrement enduit de pigments bleus, une onde azurée semble se diffuser vers l’écorce des autres rameaux du groupe pour s’y déposer, telle une mousse végétale.
En parallèle de ce corpus, Godin a peint neuf gouaches miniatures qui tiennent au creux de la main. Le format intime choisi s’accorde au mode de circulation de ces images qu’elle enverra directement à 13 amies artistes (4 tableaux restent à faire), sans passer d’abord par une monstration publique. Elle y représente des fragments de nature, tirés de ses souvenirs, dans un désir d’établir un dialogue avec le livre photographique Le jardin d’après d’Anne-Marie Proulx.