C’est en tant qu’auteur⋅rice qu’Anastasia (A) Khodyreva a séjourné à Est-Nord-Est. Œuvrant à la croisée des médiums et des disciplines, iel se définit comme chercheur⋅euse anti-disciplinaire – et non multidisciplinaire. Au centre, iel poursuit une réflexion ancrée dans un féminisme non binaire et dans ce qu’iel nomme (avec d’autres) l’hydroféminisme. Depuis cette perspective, Khodyreva développe une recherche sur la non-binarité à partir de l’eau et des espaces liminaires, suivant une méthodologie où les conversations occupent une place centrale. Iel entretient ainsi une série d’échanges prolongés avec des personnes s’intéressant aux matérialités du monde, aux rapports de domination et de normativité qui s’y exercent ou qui, au contraire, s’y trouvent subvertis. Parmi ces interlocuteurices, on retrouve des artistes comme Cee Burgundy (Pays-Bas), Rowan Lear (Écosse), Camille Auer (Finlande) et Hannah Rowan (Royaume-Uni) – cette dernière ayant elle-même participé aux résidences d’Est-Nord-Est à l’automne 2022. Comme Khodyreva l’explique, ces échanges sont non seulement une partie de son travail, mais aussi de son être. La relationnalité est le point de départ de la connaissance, nul⋅le ne pouvant apprendre dans l’isolement, malgré ce qu’affirme le récit moderniste qui se prolonge encore aujourd’hui. À leur tour, Est-Nord-Est, son équipe et ses résident⋅e⋅s ont offert à la⋅e chercheur⋅euse des occasions de conversations stimulantes qui ont alimenté un moment de pause et de recul dans la production d’un livre.
L’attention de Khodyreva aux relations entre les êtres se traduit aussi par son désir de penser en lien avec les espaces qu’iel visite ou habite, et la pratique qui en découle. À Est-Nord-Est, le fleuve devient ainsi l’ancrage, le point à partir duquel écrire – ce qui ne veut pas dire écrire sur le fleuve. Dans l’hydroféminisme, l’eau apparaît comme un corps politique, dont les multiples incarnations fournissent à Khodyreva le vocabulaire pour penser la non-binarité. On pense immédiatement aux qualités fluides de l’eau, mais la⋅e chercheur⋅euse évoque plutôt l’exemple de la glace, qu’iel conceptualise comme une matière queer, dont les craquements et les fissures lui permettent d’évoquer la non-binarité des genres et des corps.