Le critique devrait examiner par lui-même, expérimenter (…)
s’initier – j’ai trouvé le mot et j’y tiens – parce que l’initiation
signifie qu’on entre dans quelque chose, qu’on y descend, qu’on
l’absorbe et que, ce faisant, on se transforme et on vit.
– Carla Lonzi
Autoréflexive, collaborative et performative, la démarche théorique et commissariale de Véronique Leblanc joue simultanément sur les terrains de l’anthropologie, de l’histoire de l’art, de la sociologie et de la philosophie. Particulièrement intéressée par la figure de la collectivité et les enjeux identitaires, politiques et épistémologiques qu’elle soulève, Leblanc investit littéralement la notion d’altérité, interrogeant sans relâche la place qu’elle-même occupe au sein de l’écologie artistique. Sans jamais prétendre endosser le rôle d’artiste, la critique d’art, essayiste, commissaire et militante invite à repenser ces postures à l’aune des relations qu’elles font jaillir.
Dans le cadre de sa résidence à Est-Nord-Est comme auteure invitée, Leblanc s’est justement penchée sur la question de la relationnalité, laquelle s’est déployée certes comme sujet de recherche, mais également en tant qu’objet d’analyse. Livres et essais, bouts de citations glanées ici et là, images et dessins, extraits de performances ou notes griffonnées dans divers carnets ; autant d’éléments déployés dans l’atelier pour créer une espèce de cartographie éclatée d’une méthodologie de recherche en construction. En amont comme en aval, Leblanc met ainsi en scène une maïeutique de la pratique d’art et de sa critique, puisant dans leurs échanges épistémologiques nécessaires et réciproques des pistes pour repenser un être-au-monde plus éthique ou, du moins, plus empathique. Personnifiant souvent la position de ce trait d’union entre « faire » et « savoir », la commissaire s’attarde à mettre en lumière l’agentivité des œuvres et des discours qui les accompagnent, le pouvoir cathartique des unes et des autres contribuant, peut-être, à offrir des solutions pour une vie plus vivable.
À cet égard, la notion de quotidienneté – ses normes, ses savoirs et ses pratiques – est au cœur de cette recherche expérimentale au long cours. Une recherche qui se développe d’ailleurs souvent en parallèle avec des relations d’amitié tissées avec les artistes, resserrant davantage les nœuds féconds entre l’art et le quotidien. Avec une modestie et une authenticité réellement incarnées, Véronique Leblanc gagne ainsi le pari d’un engagement intellectuel au diapason des interventions artistiques auxquelles elle s’attarde.
Véronique Leblanc est commissaire indépendante, auteure et chargée de cours en histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal. Elle s’intéresse aux pratiques contextuelles, processuelles et relationnelles ainsi qu’aux liens qui se tissent entre art, éthique et politique. Parmi les expositions qu’elle a réalisées, on retrouve Chto Delat? Pratiques performatives de notre temps (Vox, 2018); Richard Ibghy & Marilou Lemmens. La vie mise au travail (Galerie Leonard & Bina Ellen, 2016), Polyphonies (Optica, 2015) et faire avec (AdMare, 2013). Diplômée de la maitrise en études des arts de l’UQAM (2009), elle était la lauréate du Prix John R. Porter de la Fondation du Musée national des beaux-arts du Québec, en 2015, et du Canadian Art Writing Prize, en 2011. Ses recherches portent actuellement sur l’imaginaire du commun en art actuel et sur un ensemble de pratiques artistiques qui combinent des approches collaboratives et performatives avec des stratégies documentaires. Elle vit et travaille à Montréal.
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