Née d’une mère syrienne et d’un père arménien exilés au Canada pour fuir la Guerre du Liban, Mirna Abiad-Boyadjian s’intéresse depuis longtemps à la (post)mémoire de la guerre dans l’art contemporain du Liban et de sa diaspora en adoptant une perspective autoethnographique[1].
En tant que chercheuse et autrice, elle cultive un « mode d’être avec et pour autrui »[2] et se penche sur des modalités esthétiques par lesquelles il est possible de se réapproprier une vulnérabilité à même les traumatismes vécus afin de « transformer le silence en paroles et en actes »[3] . Citant des voix de femmes en arts visuels, en cinéma et en littérature, son écriture devient l’assise d’une recherche qui prend une forme installative à Est-Nord-Est.
Sur un mur de l’atelier, des agencements textes/images se déploient à partir de films réalisés par des femmes, tirés entre autres des archives en ligne de l’Office national du film du Canada (ONF). De l’autre côté de la pièce, des citations de la poète et artiste arabo-libanaise Etel Adnan se mêlent aux notes poétiques manuscrites de Mirna Abiad-Boyadjian[4]. Sur des tables, elle déploie aussi divers éléments de son projet « Au cœur d’un autre silence », qui prend son origine d’un témoignage de sa mère paru en 1987 dans la publication de l’Association de la Défense des Droits Sociaux (ADDS). Elle poursuit enfin un travail sur l’Horizon Beyrouth-Montréal pour un numéro du cahier sur les mots et les gestes Le Merle, qu’elle co-dirige avec François Lemieux, à paraître en 2025.
S’esquisse ainsi sous nos yeux un écheveau de liens riches et complexes, entre sa voix et celles de femmes d’horizons diversifiés auxquelles elle s’identifie en dehors d’une filiation centrée. À travers ces renvois et ces échos s’élabore une écriture extrêmement poreuse, dans un rapport étroit aux autres et pensée comme un engagement politique.
Face aux traumatismes transgénérationnels hérités de son histoire familiale et en tant que femme, Mirna Abiad-Boyadjian s’engage ainsi dans une recherche et une écriture sensible où le « souci de soi », c’est-à-dire l’histoire intime, entre en relation étroite avec le monde. Par cette connexion singulière qu’elle entretient avec celleux qui l’inspirent, elle tente de transformer l’expérience du trauma en une force vive d’espoir collectif.
[1] Telle qu’elle la nomme elle-même.
[2] Abiad-Boyadjian, M. (2022). Le soin des devenirs : Sisters in Motion feat. d’bi.young anitafrika / Care for Becoming: Sisters in Motion feat. d’bi.young anitafrika. Esse arts + opinions, 106, 48–53.
[3] Idem.
[4] Une recherche qui alimente l’écriture d’un article pour le magazine Spirale.
Mirna Abiad-Boyadjian a terminé des études en création littéraire, histoire de l’art et scénarisation à l’UQAM, où elle a obtenu une maîtrise en histoire de l’art. En 2016, elle commence une thèse en esthétique à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis sur l’espoir en temps de guerre dans l’art contemporain du Liban et de sa diaspora, qu’elle ne finit pas. Réalisant la nécessité de la dimension expérimentale et littéraire de son projet, difficile à exprimer par la pratique de l’histoire de l’art, elle choisit de poursuivre au doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM. Présentement, elle enseigne à titre de chargée de cours à l’Université du Québec en Outaouais et co-édite un numéro du Merle, cahier sur les mots et les gestes.
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