Laurel Rennie travaille la matière à la manière d’une alchimiste. Entre ses mains, les textiles, le bois, les plantes et leur potentiel tinctorial deviennent des récits à raconter, des mondes à façonner. Les motifs, les couleurs et les textures des tissus qu’elle trouve, teint et rapièce proposent une forme abstraite de narration ; ses sculptures sur bois aux contours arrondis, elles, tracent des chemins de spéculation sinueux. Guidée par les curiosités qu’elle observe dans le monde naturel, Rennie s’intéresse au folklore, aux superstitions et aux entre-mondes. Elle accorde une attention particulière à l’intelligence autre qu’humaine, ainsi qu’aux modes de connaissance non scientifiques, sensibles et intuitifs.
Au sortir de l’hiver, voulant capter la sensation du printemps, elle concentre sa résidence sur ce qui est sur le point d’émerger. Fascinée par les histoires qui se chevauchent et les cycles qui s’entrecroisent, l’artiste s’intéresse aux discours scientifiques qui expliquent la venue d’un évènement hors du commun : l’émergence simultanée de deux types de cigales périodiques ayant vécu en dormance dans le sol pendant plus de dix ans. Sous terre, ces magicicadas entretiennent une relation symbiotique avec les arbres, s’abreuvant de leur sève par leurs racines. À la surface, leurs cycles ne se croisent que tous les deux cent vingt et un ans. Rennie décèle dans cette convergence l’idée de mystérieux annonciateurs sortant au grand jour. Elle cherche à comprendre ce que ces prophètes peuvent bien vouloir nous dire, croyant que leur présence éveille en nous un état de perception corporelle porteur d’un sentiment d’émerveillement.
Dans son studio, cette quête prend la forme d’une installation pour laquelle l’artiste teint des bouts de tissu avec des pissenlits, de la bardane, du genévrier et de l’indigo, les assemble en courtepointes, sculpte des cigales de bois et des racines pivotantes qu’elle suspend pour créer une série de pendules divinatoires. La transformation de ces matériaux naturels en formes magico-poétiques invite à une réflexion sur les cycles de la vie, de la mort et de la survie spirituelle. Au-delà d’une mort physique, de l’extinction d’une espèce et, même, de la fin du monde tel que nous le connaissons, Rennie espère que l’esprit de différents êtres puisse survivre grâce à l’enchevêtrement de leurs histoires avec celles d’autres entités.
Laurel Rennie est une artiste qui travaille avec le textile, la sculpture et l’écriture. De plus en plus, sa création est habitée par l’idée de la survie spirituelle. Même si notre corps survit à chaque année qui passe, de quelle manière notre esprit reste-t-il intact ? Alors que le monde devient davantage inhospitalier à de nombreuses formes de vie, en grande partie en raison de l’impact humain, elle crée des œuvres qui rassemblent des récits provenant des plantes, des rêves, du mystère, du non-humain et du monde sensuel comme un moyen de transformer nos relations et nos récits noués. Elle est née en Ontario, a des origines profondes en Nouvelle-Écosse et vit présentement à Montréal.
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