Laure Bourgault. Vue d'atelier, 2022. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Laure Bourgault

Artiste / Printemps 2022

Texte-témoin

par Véronique Hudon

Laure Bourgault poursuit une réflexion critique mettant en relation les questions territoriales et identitaires dans des perspectives politiques et sociales. Elle a consacré sa résidence à deux projets où elle aborde le rôle de l’eau dans le territoire que l’on nomme Québec.

À Est-Nord-Est, elle a effectué le travail de recherche entourant la production de l’œuvre Le plus souvent on dit progrès (tendre la main vers l’écoulement) présentée lors de l’exposition collective Le murmure des ruisseaux à Espace Projet (Montréal, 2022). L’exposition regroupait différentes propositions autour de la thématique de l’enfouissement des ruisseaux sur l’île de Tiohtià :ke/Mooniyang/Montréal.

Les ruisseaux irriguant l’île sont pour la plupart devenus des canalisations d’évacuation des eaux usées : partant de ce constat, l’artiste s’intéresse aux questions sanitaires, économiques et politiques entourant la gestion des eaux urbaines. À partir d’archives — caricatures, pamphlets, photographies, avis publics, articles —, elle crée un collage textuel, qui prend la forme d’une pièce sonore intimiste accompagnant un parcours dans la ville. Entre récit documentaire et création poétique, le texte narré par l’artiste guide le public dans une exploration du paysage urbain.

Le second projet porte sur le fleuve Saint-Laurent et les différents imaginaires collectifs qui s’y rapportent. Les premières étapes de recherche sont concentrées sur la réalité matérielle de l’eau fluviale. L’analyse en laboratoire d’échantillons d’argile collectés sur les rives du Saint-Laurent permet de faire état de la contamination du littoral. En plus de ce travail « d’archéologie de la toxicité de l’eau », un portrait des activités menées sur le territoire au fil du temps est brossé. Interrogeant l’imaginaire populaire, l’artiste souhaite travailler avec différentes communautés des villages longeant le fleuve pour revisiter des bribes de leur histoire. Empruntant au théâtre participatif et communautaire, ce pan du projet prendra la forme d’un film documentaire.

Ces deux projets proposent de se mettre à l’écoute de la vie matérielle de l’eau pour comprendre ce que celle-ci peut nous révéler. À l’opposé des représentations et discours politiques dominants, l’eau permet d’accéder à d’autres perspectives historiques liées à l’hydrocolonialisme et à l’exploitation du territoire. Entre recherche et création, la posture de Laure Bourgault se développe en dialogue avec un corpus théorique éclairant des études de cas.

Biographie

Laure Bourgault vit et travaille à Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal. Elle s’intéresse aux processus mémoriels collectifs, aux fondements politiques de la narration historique, aux rhétoriques nationalistes et à leur reflet dans l’occupation du territoire. Elle détient une maîtrise en histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et a récemment présenté son travail à AXENÉO7 (Gatineau), à L’Œil de Poisson (Québec), à Regart (Lévis), à l’Arxiu Comarcal d’Urgell (Catalogne) et à la galerie Justina M. Barnicke (Toronto). Depuis 2018, elle coédite avec AM Trépanier la revue Cigale, dédiée à la publication d’écrits d’artistes contemporain·e·s.