karen elaine spencer poursuit un travail d’écriture dans l’espace. Cherchant à habiter avec sincérité les lieux qu’elle fréquente, elle les peuple de ses textes en les revêtant sur elle comme des prolongements, des extensions.
As if the text had a physical location annexed to the body.
Like how can you make a landscape that you can walk through?
Ces déambulations performatives témoignent des longs moments d’intimité que nourrit d’abord l’artiste avec ses pages blanches, qui attendent son geste pour être sublimées. C’est que de simples feuilles, elles passent au rang d’objets d’art, augmentées par les éclats poétiques, quoique terre-à-terre, qui effusent de l’esprit de spencer. Leur caractère sensible relève d’une pratique quadragennale dont les motifs ont été approfondis sur le temps long : spencer travaille depuis longtemps à coucher sur papier les affects qui campent en elle. À Est-Nord-Est, elle contemple enfin la lenteur inhérente à ce processus, s’imprégnant d’elle au gré de grandes marches aux abords de la 132.
Au fil de ses dernières résidences, spencer s’est tranquillement mise dans une posture de (re)découverte de sa pulsion d’écrire, comme si elle tâchait d’encore apprendre à attacher les fils de sa relation à la textualité afin de ne pas la figer et la rendre moins surprenante, plus attendue. Pour ce faire, elle crée ses propres dispositions qui la font aller outre le cours normal d’un récit : elle suit le lien fertile qui existe pour elle entre la marche et l’écriture, l’une influençant l’autre, comme si un vaste terrain dont la fin était inconnue permettait cependant de savoir s’y rendre.
The words inhabit you sometimes.
spencer partage son atelier avec les bouts d’histoires qu’elle sort de son corps, imprime et épingle sur les murs. Empreintes de son vécu personnel, ces bribes sont une manière pour l’artiste d’écrire pour soi, de traiter de toutes ces choses banales, ou moins banales, qui ponctuent sa vie et révèlent de temps à autre des questions d’ordre universel. Les dernières parcelles produites sont situées dans une temporalité particulière, née après le décès d’un être cher. Depuis, spencer traverse diverses formes de deuil — you know how absence is so full and has its own territory? La mort presque comme un deuil parmi d’autres, comme un vide qui n’est pas vide. Par la marche, l’artiste trouve un espace interstitiel où le corps peut enfin trouver sa place, dans l’écart fin entre le mouvement et l’inertie. Les mots y apparaissent.
And just like that … Lire un texte constitue toujours une entrée en performance. C’est la manière dont on dit, dont on respire, dont on habite l’espace commun en partageant, ensemble, nos solitudes. Si par la force des choses le texte sort de soi dans une telle forme et par le biais de tels mots, il demeure souvent intime, non destiné à être lu. spencer prend ainsi le pouls de son écriture via sa fragmentation : un récit découpé dont les morceaux présentent un être-ensemble, comme une porte vers des choses qu’on ne peut pas voir.
nom : karen elaine spencer
naissance : terre, année du poisson argenté
petite enfance : chante doucement des chansons fantaisistes à des mouchoirs en papier froissés sur le siège arrière de la voiture familiale.
adolescence : s’enfuit de la maison pour étudier l’art de l’oubli.
aujourd’hui : s’infiltre dans les bureaux du gouvernement, les gares, les métros et les parcs pour transmettre des messages secrets. se promène, flâne, prend le métro, écoute les rêves.
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