Jessica Arseneau, Travail en atelier, 2023. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Jessica Arseneau

Artiste / Printemps 2023

Texte-témoin

par Julia Eilers Smith

Le travail artistique de Jessica Arseneau nous transporte délicatement vers un état d’entre-deux, à mi-chemin entre : l’éveil et le sommeil, le physique et le virtuel, le rêve et la réalité. À travers des installations vidéo et des sculptures, l’artiste s’intéresse à notre perception du temps et de la réalité, ainsi qu’à l’économie de l’attention à l’ère de la globalisation et de la numérisation, puisant notamment son inspiration dans les théories du philosophe américain Jonathan Crary. Des thèmes issus de la science-fiction, des réalités alternatives et des univers dystopiques, tels que ceux imaginés par l’écrivain J. G. Ballard, jouent aussi un rôle essentiel dans son approche. Ses œuvres se déploient au sein d’une atmosphère lumineuse et sonore méticuleusement conçue, à la fois enveloppante, déroutante et légèrement insécurisante. Elles sondent des sujets tels que l’envahissement de la lumière artificielle dans nos vies et la privation de sommeil, ainsi que leurs répercussions sur nos rythmes biologiques et notre bien-être.

 

Pendant son séjour à Est-Nord-Est, Arseneau a amorcé la conception d’une installation cinétique et sonore qui simulerait un environnement naturel. Des rangées de tubes en aluminium suspendus, pouvant être inclinées grâce à un mécanisme motorisé, diffuseraient un son apaisant, évoquant le doux murmure d’un ruissellement, tout en étant doté d’une texture métallique. Par son envergure, l’installation pourrait évoquer une architecture munie d’un toit automatisé et réglable, créant un espace de vie adaptable aux caprices météorologiques tout en instillant une sensation de calme artificiel.

 

En parallèle, l’artiste a exploré l’idée d’introduire un système de notation dans le paysage en utilisant des tubes fluorescents flexibles qui, une fois déployés, rappellent la fluidité de l’écriture cursive. Elle a également incorporé un néon en forme de nuage 2D, semblable à un emoji. Arseneau s’est rendue en bordure du fleuve afin de documenter ces objets disposés de différentes façons sur les rochers. L’intégration de ces néons dans le paysage a quelque chose à la fois de banal et d’inquiétant : ils semblent symboliser une réalité altérée ou une technologie menaçante. Le nuage en particulier rappelle les avancées des dispositifs électroniques qui visent à influencer nos rêves, tels que le projet Dormio du MIT, un appareil capable d’interagir avec l’état semi-conscient du sommeil.

Biographie

Jessica Arseneau travaille généralement avec la vidéo comme point de départ d’une pratique d’installation accompagnée de son, de texte, de lumière et de photographies pour construire un espace atmosphérique. Elle examine entre autres la façon dont le progrès technologique façonne l’expérience humaine et transforme les rythmes naturels de l’humain et du non-humain. Les récits de science-fiction, les mythologies, l’imaginaire du futur et l’observation critique sont activés de façon poétique dans son travail. Jessica Arseneau a obtenu un baccalauréat à l’Université de Moncton et un diplôme en arts médiatiques à l’Académie des beaux-arts de Leipzig.