Après avoir séjourné en Europe, en Asie et en Afrique, l’artiste franco-allemand Jérôme Chazeix trouve de nouveaux repères dans la vallée du Saint-Laurent, en s’ancrant dans la communauté du village de Saint-Jean-Port-Joli. Il y fait rapidement la rencontre de Peggy Bélanger, soprano du chœur La Marée Chante et artiste ouverte à la cocréation et aux rencontres fécondes. Chazeix initie six choristes de l’ensemble local au chant féral, approche déconstruisant l’expression vocale en groupe et permettant improvisations et expérimentations. En explorant de manière originale la puissance du collectif et la créativité particulière qu’amène l’exploration libre, Chazeix et les vocalistes composent les paroles d’un long chant intitulé Rituel pour un fleuve, sorte de poème épique louant la force et les énergies de l’affluent.
En vue d’une première performance à Est-Nord-Est en fin de résidence, puis d’une seconde dans la marina du village, sur un voilier à quai et autour de celui-ci, l’artiste élabore un environnement scénographique total fait de portails en bois et en bambou et d’oripeaux pastel dont les motifs ne célèbrent ni rois ni patries, mais plutôt le vivant : « Fleuve du Nord/ Souffle boréal/ Tu es mon énergie/ […]/ Des profondeurs/ Tu es lumière/ Ô Rituel de vie », scande la troupe. Ce pourrait être le cosmos tout entier que l’on fête ici, notre unité dans sa matière. Dans cette mise en espace, c’est aussi le public qui est invité à s’anonymiser, dans une communion temporaire que les masques en papier distribués par Chazeix et ceux en bois portés par les interprètes permettent de sceller. Les interprètes se meuvent dans l’espace, est-ce une parade ou une mascarade ? Si on peut voir dans les formes des visages le souffle des cultures autochtones de la côte ouest nord-américaine, elles tendent ici vers une abstraction pointant vers des rituels transculturels, puisés dans des pratiques historiquement et géographiquement très diverses. L’énergie de la fête est présente, et par l’écho de ses chants, le collectif, soutenu par une trame épique de synthétiseur, nous transporte dans une longue ascension, une envoûtante faille hors du temps de laquelle des voix jaillissent, concentrant vers chacun·e la douce charge énergétique de l’artiste.
Jérôme Chazeix associe et superpose différents matériaux afin de créer des décors dans lesquels le public s’immerge pendant que des acteurs y exécutent des performances tour à tour chorégraphiées ou spontanées. Ces œuvres d’art se veulent « totales » dans le sens où performeurs et public deviennent les protagonistes de mondes parallèles trouvant une correspondance avec les objets qui les entourent. Le public se laisse emporter, envelopper, en quête de sens, à mi-chemin entre désir New Age et réalité sociale.
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