Janick Burn multiplie ses rôles dans le champ des arts visuels. Tour à tour artiste, autrice, commissaire et travailleuse culturelle, elle aborde à Est-Nord-Est l’autoédition comme pratique artistique à partir de toutes ces perspectives, ce qui constitue depuis déjà un moment le point focal de ses recherches. Un travail actif autour de la nouvelle itération de son exposition collective Exposer avec l’autoédition To expose the self — (AdMare, 2022), qui mettait en lumière les projets de six artistes, comble une partie de sa résidence, puisque cette dernière sera proposée au Magasin d’Arprim (Montréal) à l’automne 2023. Tablettes, dispositifs installatifs et petits supports se fraient un chemin dans le studio : ils façonneront le nouveau visage de cette exposition dont l’intérêt premier est de (re)penser nos modes d’appréhension du livre d’artiste à partir de ses déclinaisons politique, sensible, accessible, intime et subversive.
Au fil de la résidence de l’artiste, une transition s’opère dans sa façon de travailler. Alors qu’elle adopte souvent le livre comme objet de recherche, son temps à Saint-Jean-Port-Joli la pousse aussi à l’investir comme un espace d’explorations matérielles et narratives. Ainsi, d’une démarche axée sur l’étude, la pensée et les concepts – où elle est souvent assise, attablée et entourée d’ouvrages spécialisés –, elle chemine vers un quotidien qui ressemble à celui d’une pratique d’atelier – fait plutôt de mouvements et de déplacements et duquel émerge un projet de livre d’artiste à elle. Sur le mur se profile, page après page, un récit non linéaire en pleine construction : Burn cherche résolument, par son approche expérimentale, à mieux saisir ce que le cadre engendre comme marges. Elle examine ainsi les décalages temporels, les déformations de souvenirs par l’imaginaire et les écarts entre les réminiscences et le présent comme autant d’allers-retours qui forcent la structure normalisée du schéma narratif à plier. L’artiste permet alors aux notions de point de vue, de périphérie et de hors-champ d’émerger à même le livre. Pour elle, c’est en cela que l’objet autoédité se conçoit comme un mode d’exposition alternatif : il adresse le revers.
La maquette de Burn explore des frontières, des espaces interstitiels. Elle met en scène, comme si on entrait dans une maison, un passage dans l’antre, un glissement dans l’entre : un lieu qui dans son livre en ébauche abrite le corps comme la pensée, nous permet d’être accueilli·e·s par la lumière que filtrent toutes ces fenêtres photographiées. Ce projet constitue pour le public une porte d’entrée dans les préoccupations actuelles de l’artiste lorsqu’il visite son espace de création ponctuel à Saint-Jean-Port-Joli. En relatant une expérience entre ces pages, Burn en crée une autre. Une d’appréhension, une de compréhension, une de lectures. Car performative, la trame narrative pensée pour l’objet révèle dans sa matérialité les potentialités multiples des angles morts du champ. Est-ce finalement le livre qui permet que tout se rejoigne?
Originaire de l’Outaouais/Anishinabewaki, Janick Burn habite Montréal/Tiohtià:ke depuis plusieurs années. En tant qu’artiste et commissaire indépendante, ses recherches pratiques et théoriques portent sur la relation entre le corps et le cadre, qu’elle aborde par une approche réflexive de la performance, de l’image et de l’écriture. Depuis quelque temps, elle s’intéresse plus particulièrement à l’autoédition comme pratique artistique et mode d’exposition alternatif – exposition d’art, mais aussi de soi.
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