Si Ingrid Tremblay travaille le marbre, la fibre, voire la pâte de sel, le bois semble particulièrement se plaire entre ses mains. Et tout récemment, il occupe une place de choix dans un nouveau projet intitulé Perdue en forêt, par lequel l’artiste souhaite approcher différentes essences en explorant une variété de techniques. C’est dire que l’offre de résidence à Est-Nord-Est est arrivée à point nommé. Son programme, bien défini, s’est décliné en trois volets.
D’abord, faire surgir de quelques grandes planches de tilleul, de cerisier et de noyer cendré des filets articulés, sortes d’assemblages d’anneaux taillés plutôt grossièrement, mais formant des pièces d’une malléabilité surprenante. Il s’agit là d’un réel défi technique, car les mailles tantôt circulaires, tantôt ovales, attachées les unes aux autres, doivent être patiemment libérées sans être rompues. Au cours des deux mois de recherche, l’artiste a produit une série de ces sculptures qui lui ont permis d’explorer différents degrés de finition ainsi qu’une variété de formes et d’accrochages.
Puis, sculpter quelques blocs de tupelo massif de manière à reproduire à l’échelle, en recherchant l’illusion, quelques feuilles de papier préalablement et soigneusement froissées. Relation épistolaire est le titre qui inspire ici l’artiste, amusée par l’effort de concentration que nécessite le travail de taille directe dans ce bois pâle et très léger.
Enfin, parfaire sa technique de la marqueterie damascène qu’elle apprend, patiemment, en suivant les enseignements d’un maître syrien avec qui elle correspond par vidéo. À l’instar des autres projets de la résidence, celui-ci présente un défi technique bien réel, mais c’est la force symbolique de la démarche qui saute ici aux yeux. Oui, elle fabrique des gabarits, y découpe de fines baguettes de bois, les assemble pour former des motifs comme ceux du petit coffre à bijoux familial qui constitue l’étincelle de départ de ce travail. Mais ce qui touche et captive surtout, c’est la démarche sentie d’appropriation d’une culture qui, bien qu’elle parcoure l’arbre généalogique de l’artiste, lui est encore méconnue. Elle embrasse avec curiosité cette recherche et est impatiente de recomposer à sa manière, dans des pièces originales et contemporaines, les délicats motifs traditionnels issus du pays de sa mère.
Ingrid Tremblay explore le pouvoir évocateur, narratif et poétique des objets et des matériaux. Par l’utilisation de techniques sculpturales traditionnelles ou numériques, elle transforme les matériaux en s’inspirant de souvenirs, de lieux, de mythes et de récits. L’idée de la marque est omniprésente dans ses œuvres — marque laissée par les expériences passées, le labeur ou la nature. Ingrid Tremblay détient une maîtrise en sculpture de l’Université du Texas à Austin (2018). Son parcours comprend de nombreuses expositions et résidences au Québec, aux États-Unis et en Europe. Elle a été lauréate de plusieurs bourses d’importance dont le Graduate School Recruitment Fellowship de l’Université du Texas et le Fountainhead Fellowship de la Virginia Commonwealth University School of the Arts. Elle vit et travaille à Montréal.
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