Auteure et travailleuse de l’art, Gabrielle Desgagné-Duclos se dépose à l’hiver 2023 en résidence à Est-Nord-Est avec un projet d’écriture aux contours mouvants, dont le préalable à la réalisation serait la recherche d’une légitimité auctoriale. Il s’agit du genre d’autorité que personne d’autre que nous-même ne peut nous offrir, en accord avec nos propres doutes et mesurée face à nos ambitions. Puisqu’écrire c’est d’abord (se) lire, le temps et l’espace dédié à cette activité et ses prolongements sont déterminants. Ainsi, l’auteure déploie une part de sa bibliothèque au sol et tout autour d’elle pour se construire un espace de travail. Ici, la présence conjointe de l’espace de vie, en contre-plongée, noue architecturalement les moments de loisirs et de repos, et ceux de travail. Rendu confortable, l’espace de création sert de lieu de rencontre entre une pensée dégagée d’obligations immédiates et celle d’autres auteur·e·s. Les passages marquants d’œuvres littéraires, d’essais, peuvent être reçus et médités.
L’auteure entretient un rapport critique, et ancré dans la pratique, avec les conditions d’action des travailleurs et travailleuses culturel·le·s qui rendent possible, par leur labeur souvent peu visible, les gestes de production, de diffusion et de médiation avec le public. Seulement parfois, c’est pour soi-même que l’on peut vouloir travailler et écrire, même si l’on veut aussi parler des autres. Informée notamment par une perspective intellectuelle propre à l’histoire de l’art, usant du rapport citationnel, de l’intertextualité, de la circulation des images et de la stimulation tirée des cultures visuelles, Desgagné-Duclos mentionne néanmoins chercher à s’éloigner de l’écriture dite académique au profit de quelque chose de plus personnel, libre, situé. Une piste riche est celle de l’autothéorie, approche conceptuelle encourageant artistes et auteur·e·s à réfléchir à partir de leur propre vie, en écho à la cruciale proposition féministe voulant que le privé soit toujours politique. Desgagné-Duclos cherche à construire des ponts entre intimité, théorie et création.
Gabrielle Desgagné-Duclos est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art (Université de Montréal, 2015) dont le sujet est le dispositif esthétique du tableau vivant. Lorsqu’elle publie des textes dans des revues d’art actuel, ses intérêts la portent à écrire surtout sur la peinture et son champ élargi, ainsi que sur des pratiques vivantes qui tirent profit de l’intericonicité, ou de procédés de reprise et de remédiation. Depuis 2016, elle coordonne la programmation de Verticale — centre d’artistes, où elle développe sa sensibilité pour la diffusion en contexte atypique. Ce travail d’accompagnement et de mise en œuvre lui permet d’observer l’impact de l’invisible sur les matérialités. Elle envisage l’écriture sur l’art comme un dispositif d’attention.
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