eunice bélidor, Travail en atelier, 2023. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

eunice bélidor

Auteur·e / Printemps 2023

Texte-témoin

par Julia Eilers Smith

D’un point de vue méthodologique, la démarche d’eunice bélidor est enracinée dans la correspondance, la collaboration, le partage des connaissances, ainsi que dans une perspective radicale et féministe du care. Depuis plusieurs années, l’auteure, commissaire et chercheuse montréalaise explore le champ épistolaire, employant la lettre manuscrite comme outil de recherche, de création et de mise en relation. Elle rédige régulièrement des lettres à divers destinataires – proches, collègues, penseur·euse·s, artistes, figures qu’elle admire – afin de leur poser des questions, de partager ses réflexions et préoccupations, de solliciter leurs conseils, de recueillir leurs avis et, bien entendu, de prendre simplement de leurs nouvelles.

Lors de son séjour à Est-Nord-Est, bélidor a entamé et renouvelé des correspondances autour de la pratique curatoriale et la pensée actuelle sur l’art. Quelle est la nature du commissariat en l’absence d’une exposition ? Comment rendre l’espace d’exposition accueillant ? Du fait de sa nature peu documentée et cloisonnée, le processus réflexif curatorial a tendance à se perdre au fil du temps. Ainsi, l’intérêt que porte bélidor à la correspondance découle en grande partie de sa préoccupation pour les archives curatoriales et leur accessibilité. Elle envisage ces échanges épistolaires comme autant de documents d’archives pour le futur.

De plus, la correspondance représente un moyen privilégié pour engager une activité intellectuelle collective de manière informelle, qui permet de surcroît de découvrir une personne au-delà de la sphère professionnelle. En marge du discours institutionnel, cette pratique offre une liberté et une mobilité de la pensée qui laisse transparaître sa dimension affective. Les lettres qu’elle envoie et celles qu’elle reçoit à son tour portent ainsi les marques affectives, mémorielles et matérielles d’une communion d’idées, d’un réseau de soutien, de partage et de liens personnels et professionnels tissés entre individus. Éventuellement, comme l’imagine bélidor, ces lettres pourraient poser les bases d’une théorie affective du commissariat.

Au cours de sa résidence, la commissaire s’est aussi plongée dans l’étude des conditions propices à l’acte d’écriture. Elle s’est immergée dans la littérature sur ce sujet et a entamé une démarche d’autoréflexion concernant ses méthodes rédactionnelles. À l’instar des « Conseils curatoriaux » qu’elle a élaborés et partagés dans ses réseaux il y a quelques années, elle envisage de rassembler ses observations dans un deuxième guide spécifiquement destiné aux auteurs et auteures.

Biographie

Née à Montréal, eunice bélidor est commissaire, autrice et chercheure. Elle est professeure adjointe affiliée au Département d’histoire de l’art de l’Université Concordia. Sa pratique actuelle porte sur le questionnement comme méthode, et sur l’écriture épistolaire comme créatrice d’autothéorie et son intersection avec le soin, le féminisme et les enjeux raciaux. Elle a organisé plusieurs expositions au Canada et en Europe, et ses écrits ont été publiés dans Esse, Canadian Art, Hyperallergic, le Journal of Curatorial Studies, Invitation, InCirculation, et ESPACE. eunice bélidor est la récipiendaire du Prix Fondation Hnatyshyn – Groupe Banque TD du commissaire émergent en art canadien contemporain (2018). Elle a travaillé à articule, à la galerie FOFA de l’Université Concordia (Montréal) et au Musée des Beaux-Arts de Montréal.