Edith Brunette. Travail en atelier, 2022. Crédit photo: ENE / Jean-Sébastien Veilleux photographe.

Edith Brunette

Auteur·e / Automne 2022

Texte-témoin

par Daniel Fiset

Le travail d’Edith Brunette s’attarde aux manières dont les discours institutionnels se forment, s’entrechoquent et se confrontent, notamment dans l’écart entre les domaines du politique et de l’artistique. Elle s’intéresse autant aux espaces de coercition et de résistance que ces discours installent, qu’aux vécus de celleux qui opèrent à l’intérieur ou à l’extérieur de ces institutions. Empruntant simultanément aux champs de la critique institutionnelle, de l’art conceptuel, de la photographie, de la sculpture, de la performance et des arts vivants, la pratique artistique de Brunette se caractérise aussi par un engagement profond avec la recherche théorique. 

La résidence à Est-Nord-Est aura été l’occasion pour l’artiste de poursuivre la rédaction d’un chapitre de sa thèse, en vue de l’obtention d’un doctorat en sciences politiques à l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de cette recherche, elle propose une analyse des transformations de la définition de la liberté dans les pratiques artistiques contemporaines canadiennes. Suite à des entrevues anonymes réalisées avec une variété d’artistes à travers le pays, Brunette observe que plusieurs continuent à se réclamer d’une définition opératoire de la liberté qui s’accole aux préceptes du libéralisme politique. La figure de l’artiste comme usant d’une liberté d’expression et d’action sans contraintes s’oppose à une multitude de cas recensés par Brunette, qui témoignent d’une reconsidération de l’application de cette liberté, perçue comme un privilège conditionnel à l’appartenance à certaines catégories sociales ou identitaires. À cet effet, il était captivant de voir Brunette partager l’état de ses recherches auprès de la communauté artistique de Saint-Jean-Port-Joli. La ville est un lieu important de production qui se distingue cependant de centres urbains plus peuplés comme ceux de Québec et de Montréal, et qui peut témoigner depuis sa position particulière des diverses mutations vécues dans le champ de l’art. Les vives discussions générées par le projet doctoral de l’artiste auront révélé des questionnements sur la place de la liberté dans le milieu culturel, montrant tour à tour l’attachement envers des formes de liberté fondées sur les principes de l’expression individuelle et l’absence (réelle ou imaginée) de contraintes, et la nécessité de considérer les effets de ces principes lorsqu’appliqués de façon catégorique par certain·e·s de ses membres.

Biographie

Artiste, autrice et chercheuse, Edith Brunette s’intéresse aux discours qui font et défont les pouvoirs, ainsi qu’à nos modes d’engagement politique – en particulier dans le champ de l’art. Cultivant des formes collectives de pratiques, ses projets récents ont notamment porté sur nos relations au territoire, l’ethos entrepreneuriale et la prise de parole en période de crise sociale. Ils ont été présentés dans de nombreuses galeries et centres d’art au Canada, aux Pays-Bas, au Japon et en Grèce. Cofondatrice de l’organisation militante Journée sans culture, elle a coédité diverses publications à l’intersection de l’art et du politique (Aller à, faire avec, passer pareil, 2021; Troubler la fête, rallumer la joie!, 2016; Le Merle, 2017 et 2015), en plus de contribuer comme autrice à différentes revues, livres et publications universitaires. Elle est doctorante en études politiques à l’Université d’Ottawa, où elle mène une recherche sur les conceptions de la liberté et l’engagement politique des artistes canadien.nes. Elle est récipiendaire d’une bourse d’études de la Fondation Pierre-Elliott Trudeau.