Expérimentations menées en atelier par Adalgisa Campos en résidence
Adalgisa Campos, Expérimentations en atelier, 2018. Photo: ENE/Jean-Sébastien Veilleux photographe

Adalgisa Campos

Artiste / Été 2018

Tu ne cherches pas quelque chose que tu connais déjà

Adalgisa Campos dessine pour voir, comprendre, explorer, effectuer des recherches et résoudre les problèmes qui émergent à même la répétition attentive des gestes du dessin. Sa démarche consiste à emprunter un regard philosophique qui embrasse un état de recherche continu plutôt qu’un processus prescrit ou qu’un ensemble d’étapes menant à l’accomplissement d’un résultat final. Nous percevons la preuve de l’imposition d’un certain système dans lequel elle s’engage chaque fois – l’induction d’une tension essentielle entre ouverture et limites, incertitude et action, objet et sujet, recherche et résolution. Elle n’enregistre pas un instant, ne capture pas une ressemblance ou ne rend pas abstrait un idéal; les dessins retracent plutôt les gestes et les actions engagés au fil du temps d’une recherche. Ces actions – dessiner, déchirer, peindre ou collecter – constituent l’œuvre, et alors qu’elle s’y engage, elle discerne ce qui s’en suivra. C’est, dit-elle, « qu’une question de présence. »

Cette idée de présence imprègne chacun des projets dans lesquels elle s’est plongée durant sa résidence à Est-Nord-Est; un investissement envers le lieu de l’ancien Est-Nord-Est juste avant sa démolition, son utilisation des piles de magazines d’art qu’elle a récupéré du vieil édifice (sur un ensemble de pages déchirées elle a dessiné systématiquement sur tout sauf les visages des artistes, alors que sur d’autres elle a dessiné partout sauf sur les mots « nouvelles peintures »); le dessin de son corps, la méthode par laquelle elle a débuté au Brésil; ses dessins/études des eaux (mer, fleuve, lac) et les « carnets de dialogues » qu’elle a apportés du Brésil pour partager avec les groupes associés à Est-Nord-Est.

Campos est passionnée, articulée et généreuse dans les explications qui entourent sa démarche et ses influences. Elle explique comment sa rencontre avec la danse post-moderne et l’essai de 1987 Lewitt in progress de Rosalind Krauss, alors qu’elle déménageait de la France au Brésil il y a plus de vingt ans, ont profondément transformé sa pratique. La danse post-moderne, et son ouverture du concept de danse afin d’y inclure les mouvements du quotidien et l’improvisation, l’a reconnecté aux plaisirs du mouvement. Même si les gestes « n’ont pas à être dramatiques ou à témoigner d’une subjectivité », Campos explique, « tu dois être présente en faisant réellement face aux doutes. » Ceci ainsi que les systèmes logiques mais irrationnels qui sont, comme l’analyse Krauss dans son essai, au cœur de l’art de Sol Lewitt, résonnent profondément avec Campos. Elle crée elle-même des systèmes nés de compulsion – « une méthodologie dans cette folie, » comme la nomme Krauss [1]. Dans ces idées, Campos trouve un « lieu fertile où commencer » – consciente, réactive et présente.

  1. Rosalind Krauss, « LeWitt In Progress » October 6 (Automne 1978): 56, https://www.jstor.org/stable/778617 (notre traduction).

Biographie

Artiste visuel, née en 1971 à São Paulo, Brésil. Les travaux que j’ai développés au cours des 20 dernières années ont en commun l’omniprésence du dessin en tant que mode opérationnel, reliés par l’idée d’accumulation et de chevauchement, fonctionnant en système, interdépendants et hétérogènes. Qu’il prenne la forme d’oeuvres sur papier, dessins numériques, animations, vidéos, performances ou installations, le dessin m’intéresse comme étant primordial (disponible, comme le discours, dès la petite enfance); transparent (exempt de secrets techniques et d’outils spécialisés); fictionnel (juxtaposant différents espaces et temps, additionnant des quantités de différentes natures); transcendant (signifiant passage / présence / action); relationnel (visant le contact, le partage et la construction d’un terrain d’entente).